Papa avait un vieux phono qui lisait les 78 tours, et qui fonctionnait à l’aide d’une manivelle. Je ne sais plus s’il l’avait acheté avant ou après s’être marié, mais, peut importe après tout, ce phono marche encore de nos jours. Mon cousin Jean-Luc connaissait l’existence de ce phono, et lors d’une communion chez nous (je ne sais plus laquelle) il avait demandé qu’on passe des vieux disques.
Ce phono n’était plus comme ceux que l’on voit représentés, avec une trompe. Papa en avait déjà un plus « moderne », que l’on pouvait fermer et transporter avec soi à l’aide d’une poignée.
Lorsque j’avais 20 ans, j’avais exhumé cet appareil du grenier, et j’écoutais les vieilles chansons, qui, pour la plupart dataient de la période de la guerre, ou peut-être même avant. J’ai dit récemment que j’aimais les vieilles chansons. Il y en avait une que j’aimais tout particulièrement, c’était : « si l’on pouvait arrêter les aiguilles ».
Sur le 78 tours, il n’y avait que deux couplets, or, un jour, j’avais entendu cette chanson-là aussi, à la radio, mais il y avait un troisième couplet. Lorsque j’ai soumis le texte de la chanson « petite fleur », je me suis dit : peut-être trouverais-je aussi sur Internet les paroles de cette chanson ? Eh bien, j’ai bien eu du mal ! Je n’ai trouvé en réalité qu’un seul endroit ou l’on pouvait trouver les paroles, et c’était même dans l’édition d’un message sur un forum. Celui-ci donnait le premier couplet et le dernier, dont je ne connaissais pas les paroles. Comme j’avais envie aussi de soumettre le texte ici, sur mon journal, je me dis : ce n’est pas grave, je connais les paroles du deuxième couplet par cœur…
Quelle erreur ! Impossible de me souvenir comment commençait ce fameux couplet ! Il ne me revenait à la mémoire que quelque phrase comme « on n’entendraiouet encore : quant à l’instant ou tout les bras travaillent », et cela dans le désordre. J’avais beau me triturer le cerveau pour me souvenir d’autre chose, en vain. Tant pis, me dis-je. Cela me reviendra plus tard, demain matin, peut-être (comme lorsque je ne me souvenais plus du numéro du cadenas de mon vélo, ne l’ayant pas utilisé de tout l’hiver). Et comme de fait, le lendemain, cela m’est revenu, sauf deux phrases, vers la fin du couplet. Et toujours rien. Et puis, brusquement, lorsque je marchais le long du jardin de chez ma mère, le reste m’est revenu, donc quatre jours après. On dit que le cerveau, même si l’on a abandonnè sa recherche consciente, continue à chercher de manière inconsciente ce que l’on voudrait se souvenir. Cela est bien vrai. Et voilà la chanson au complet. J’espère simplement qu’il n’y a pas un quatrième couplet, mais je pense que non, que l’idée même de la chanson est complète.
Riches ou pauvres, quoiqu'on fass’ sur la terre
Notre existence est un' chose éphémère
Et des pendul's le tic tac incessant
Semble nous dir'"tout passe avec le temps"
Voici l'enfant qui vient de venir au monde
Sa mère penchée sur sa petit' têt' blonde
Vers la pendul' placée prés du lit
Jette un regard et soucieuse se dit:
Si l'on pouvait arrêter les aiguilles
Au cadran qui marque les heures de la vie
Nos p'tits enfants si mignons, si gentils
N'grandiraient pas pour déserter leur nid
Losrqu'à vingt ans, un jour, ils se marient
Sans regret, ils part’ et vous oublient
Et les mamans dont ils brisent l'espoir
Pens' qu’on voudrait prés de soi toujours les voir
Restez petits garçons ou petites filles
Si l'on pouvait arrêter les aiguilles
Dans les campagnes, ainsi que dans les villes
Règne le calme et chacun vit tranquille
Sans se douter qu'un orage gronde au loin
Pour boul’verser la paix du genre humain
Un peu partout, en Europe, en Afrique,
Les noirs se fout'nt de l'infâme politique
Sème la guerre, horreur de tout les temps
Que nul ne peut arrêter et pourtant
Si l'on pouvait arrêter les aiguilles
Au cadran qui marquent les heures de la vie
On n'entendrait plus le tocsin sonner
Pour arracher nos fils à leur foyer
Quant à l'instant ou tous les bras travaillent
Quoi de plus trist’ que l'heure des batailles
Peut êt’e qu'un jour, retrouvant sa raison
L’homme oubliera la guerre et ses passions
Plus de tueries, de balles ni de fusils
Si l'on pouvait arrêter les aiguilles
Tous emportés par l'effroyable ronde
Les années passent si vit' pour tout l'monde
Que l'on se dit:pourquoi se jalouser
Se fair' tant d' mal au lieu de s'entraider
Deux pauvres vieux, usés, cassés par l'âge
Sentant venir l'heure du grand voyage
Encore unis, comm' dans leur jeune temps
Dans un baiser, disent en s'enlaçant:
Si l'on pouvait arrêter les aiguilles
Au cadran qui marque les heures de la vie
Nous n'aurions pas la triste appréhension
D'entendre l'heur' de la séparation
Après avoir passé toute une vie
A nous chérir sans ancun' jalousie
Le coeur bien gros, on n' devrait pas penser
Qu'un jour hélas, il faudra nous quitter
Vivons d'espoir, à quoi bon s' fair’ tant d'bile
Puisqu'on n' peut pas arrêter les aiguilles.
posted at 9:46 PM