Qui ne se souvient pas de l’éclipse total de soleil, qui à eu lieu en 1999 ? Je dois dire que nous étions tous émoustillés de l’événement. Cette année là aussi, au même moment, maman avait décidé de faire repeindre les façades. Elle était même fâchée que le peintre n’était pas venu ce jour là continuer son travail, ne fusse que l’après-midi, quand tout était terminé, laissant en plan des travaux qui s’éternisaient.
Moi, j’avais acheté des lunettes spéciales – enfin, disons que j’avais acheté un bouquin qui parlait d’éclipse et dans lequel il y avait des lunettes – afin de suivre l’événement en direct.
Et tout cela pour rien, à cause de ma mère.
Tout d’abord, comme pour faire une nique à tout le monde, le ciel ne s’était pas mis de la partie : alors qu’il avait fait beau toute la semaine qui précédait le phénomène, celui-ci s’était couvert de nuages quelque fois tellement épais qu’il cachaient entièrement le soleil. Ensuite, je passais de l’intérieur à l’extérieur de la maison, écoutant la progression de l’événement à la télévision. Bien sûr, je n’avais nullement envie de regarder bêtement la lune arriver lentement sur le soleil – cela prenait quand même plusieurs heures, vu que je ne suis pas quelqu’un de patient et de placide.
Ce que j’en retiens, ce n’est pas – hélas – le fait de voir la couronne solaire, vu que j’en ai été frustrée, (je vais y revenir) mais bien l’étrange lumière qui l’avait précédé, et ce qui s’était passé juste après quand l’éclipse était finie.
C’était surtout la clarté, cette couleur mauve qui s’étendait sur le monde, étrange couleur que malgré tout je connais, car il arrive quelque fois qu’elle précède un coucher de soleil. Il ne fait pas encore sombre, mais toute choses change de couleur. Est-il bien utile de dire que les poules de maman avaient été perturbées aussi par le phénomène ? Une ou deux d’entre elles avaient rejoint le nichoir, tandis que d’autre hésitaient à le faire, comme si elles pressentaient que ce n’était pas l’heure pour elle d’aller dormir, ou qu’elles ne se sentaient pas fatiguées ?
Et ensuite, c’est lorsque la lune a quitté le soleil. Cela avait été si vite – alors que la lumière avait mis tant de temps à disparaître, que j’avais l’impression que le soleil avait été rallumé comme une ampoule électrique.
J’ai donc vu le début, j’ai vu la fin, mais je n’ai pas vu le milieu. Que s’était-il donc passé ? Comme je le disais plus haut, j’écoutais la progression de l’éclipse à la télé. Maintenant que j’y pense, cela avait du se produire drôlement tôt, au Canada, mais enfin, c’était quand même l’été, et le soleil était déjà levé chez eux aussi et comme elle avait eu lieu quelques secondes plus tôt là-bas, cela du bien sûr à la vitesse de rotation de la terre (25 km à la seconde à l’équateur) et la différence de latitude, je voulu me précipiter dehors pour voir le final. J’étais presque dehors lorsque ma mère m’appela. En râlant, je fis demi-tour, et elle me dit : regarde – elle regardait l’événement à la télé (stupide) – et elle me dit : viens voir. Lorsque je vis la raison pour laquelle elle m’appelais, n’ayant nullement envie de voir à la télévision ce que je pouvais voir en réalité, je voulu retourner dehors, mais il était trop tard : je ratais tout. J’étais furieuse, frustrée, car, de plus, le vent avait à ce moment là chassé les nuages et le soleil brillait de milles feux.
Je crois bien être la seule personne en bonne santé en Belgique – les aveugles exceptés – à avoir manqué l’événement, car même les gens qui travaillaient on eu le droit de s’arrêter pour cela. Lorsque j’y repense, se glisse toujours en moi un sentiment proche de la colère.
Si j’en parle aujourd’hui, c’est parce qu’au nord d’Arlon, à la sortie de la ville, sur le contournement, se dresse un monument, une espèce d’arbalète qui commémore le fait. Et lorsque je me suis rendu chez ma sœur aînée hier, je du immanquablement passer devant.
posted at 9:31 AM